W. Ronis |
Heure incertaine, heure charmante et triste : les roses Ont un sourire si grave et nous disent des choses Si tendres que nos coeurs en sont embaumés ; Le jour est pâle ainsi qu'une femme oubliée, La nuit a la douceur des amours qui commencent, L'air est rempli de songes et de métamorphoses ; Couchée dans l'herbe pure des divines prairies, Lasse et ses beaux yeux bleus déjà presque endormis, La vie offre ses lèvres aux baisers du silence. Heure incertaine, heure charmante et triste : des voiles Se promènent à travers les naissantes étoiles Et leurs ailes se gonflent, amoureuses et timides, Sous le vent qui les porte aux rives d'Atlantide : Une lueur d'amour s'allume comme un adieu A la croix des clochers qui semblent tout en feu Et à la cime hautaine et frêle des peupliers : Le jour est pâle ainsi qu'une femme oubliée Qui peigne à la fenêtre lentement ses cheveux. Remy de Gourmont |