La solitude


...Sus, ma Corinne ! que je cueille 
Tes baisers du matin au soir !
Vois, comment pour nous faire asseoir,
Ce myrte a laissé choir sa feuille

Ois le pinson et la linotte,
Suis la branche de ce rosier;
Vois branler leur petit gosier,
Ois comme ils ont changé de note !

Approche, approche, ma Dryade !
ici murmuront les eaux ;
ici les amoureux oiseaux
chanteront une sérénade.

Prête-ton sein pour y boire 
Des odeurs qui m'embaumeront ;
Ainsi mes sens se pâmeront
Dans les lacs de tes bras d'ivoire.

je baignerai mes mains folâtres
Dans les ondes de tes cheveux,
Et ta beauté prendra les voeux 
De mes oeillades idolâtres.


Ne crains rien, Cupidon nous garde. 
Mon petit ange, es-tu pas mien ?
Ah ! je vois que tu m'aimes bien :
Tu rougis quand je te regarde.

Dieux ! Que cette façon timide
Est puissante sur mes esprits !
Renaud ne fut pas mieux épris
Par les charmes de son Armide.

Ma Corine, que je t'embrasse !
Personne ne nous voit qu'Amour ;
Vois que même les yeux du jour
Ne trouvent ici point de place.

Les vents qui ne se peuvent taire,
Ne peuvent écouter aussi,
Et ce que nous ferons ici
Leur est un inconnu mystère




Odes          Théophile de Viau

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