La valet avait de bons bras, il la serre contre sa poitrine tout gauchement, car il n'y savait d'autre voie ; il la met sous lui toute étendue, bien qu'elle se défendît de son mieux et cherchât à se dégager. Elle y perd ses efforts : vivement et d'affilée il l'embrasse bon gré mal gré vingt fois, nous dit le conte et ne cesse que quand il voit à son doigt un anneau où brillait une claire émeraude.
"Ma mère m'a dit encore que je prisse l'anneau qui est à votre doigt, mais que je ne vous fisse rien de plus. Passez-moi donc cet anneau, il me le faut.
-Mon anneau ? Ah non ! tu ne l'auras pas, sache-le bien, si tu ne me l'arraches du doigt de vive force."
Le valet la prend par le poing, lui étend le doigt, se saisit de l'anneau et le glisse à son propre doigt.
"Pucelle, je vous souhaite tous les biens que vous pouvez désirer. Je m'en vais maintenant bien satisfait. Il fait autrement bon vous embrasser que la plus belle des chambrières de chez nous. Vous n'avez pas la bouche amère."

Chrétien de Troyes,
Perceval le Gallois

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