J.L. Gérome

L'ENFANT PRODIGUE


I

Chez celles dont l'amour est une orange sèche
Qui garde un vieux parfum sans le nectar vermeil,
J'ai cherché l'Infini qui fait que l'homme pèche,
Et n'ai trouvé qu'un Gouffre ennemi du sommeil.

II

Ô la mystique, ô la sanglante, ô l'amoureuse
folle d'odeurs de cierge et d'encens, qui ne sus
Quel Démon te tordait le soir où, la douloureuse,
Tu léchas un tableau de saint-coeur de Jésus,

Tes genoux qu'ont durcis les oraisons rêveuses,
Je les baise, et tes pieds qui calmeraient la mer ;
Je veux plonger ma tête en tes cuisses nerveuses
Et pleurer mon erreur sous ton cilice amer;

Là, ma sainte, enivré de parfums extatiques,
Dans l'oubli du noir Gouffre et de l'Infini cher,
Après avoir chanté tout bas de longs cantiques
J'endormirai mon mal sur votre fraïche chair.

Stéphane Mallarmé

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