Le Baiser

Tu ne sais pas encore, ma colombe,
comment on embrasse chez nous.

Jusqu'au craquement des os, jusqu'à l'étranglement,
on étreint, et l'on presse, poitrine à poitrine,
jusqu'à ce qu'aucun des deux
ne sache plus quel est son coeur,
ni quel est le coeur de l'autre.

La lèvre à la lèvre se colle
et brûle d'une flamme de pourpre ;
et la bouche de l'un à la bouche de l'autre aspire la jeunesse.
...


...
Matière et corps ont disparu.

Silence.

Il ne reste plus qu'un souffle et qu'une âme.

Elle ne sont plus, les paroles des hommes ;

seul existe encore le parler des prunelles.

Elles ne sont plus les limites des murs ;

la terre d'en bas n'est plus.
...


...

L'univers tient dans le baiser ; sur le baiser, le monde est suspendu...

...

Silence, silence : le baiser, que nul ne l'interrompe, de peur d'arrêter le monde, de peur de briser l'univers.

Zalman Schnéour

Anthologie de la poésie juive du monde entier depuis les temps bibliques jusqu'à nos jours. 
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