Villon

Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, si pitiè de nous pauvres avez,  
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés cinq, six; 
Quant de la chair, que vous trop avons nourrie
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie
Mais priez Dieu que tous nous veuille 
                           absoudre !

La pluie nous a débués et lavés,
Et le soleil desséchés et noircis ;
Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés
Et arrachés la barbe et les sourcis.
Jamais nul temps nous ne sommes assis ;
Puis ça, puis là, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre,
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille 
                              absoudre ! 

Miniature du XVIème siècle(Venise) :
Dante, éclairé par la lune, est
mené par Béatrice vers le soleil.

Dante : La Divine Comédie, Chant 31

"Oh ! tourne tes yeux saints, tourne-les, Béatrice,
Vers ton fidèle-ainsi disait leur chant-
Qui pour te voir a fait un si long chemin !

Par ta merci, oh ! fais-nous-en la grâce,
Dévoile-lui ta bouche, afin qu'il y contemple
La seconde beauté que tu gardes cachée !"

Splendeur de la lumière éternelle et vivante,
Quel est celui qui, pâli sous l'ombrage
Ou enivré des ondes du Parnasse,

Ne semblerait avoir perdu l'esprit,
S'il tentait de te peindre ainsi que tu parus,
Là où les choeurs du ciel enchâssaient ta beauté,

Quand, au grand jour, tu découvris ta face? 

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