Les Amants du Pont des Arts


Amers, strophe VI

"Amants ! Amants ! Qui sait nos routes ?...
A la ville ils diront : "Qu'on les cherche !
Ils s'égarent ! Et leur absence nous est tort."
Mais nous : Où donc l'abus ? Les dieux s'aveu-
glent sur l'eau noire. Heureux les égarés de 
la mer ! Et de la Mer aussi qu'on dise : 
heureuse l'égarée !... Une même vague 
par le monde, une même vague parmi nous,
haussant, roulant l'hydre amoureuse de sa force...
Et du talon divin, cette pulsation très forte,
et qui tout gagne... Amour et mer de même lit,
amour et mer au même lit...

"Hommage, hommage à la véracité divine !
Et longue mémoire sur la mer au peuple 
en armes des Amants !"
Saint-John Perse

"Et comme le sel est dans le blé,
la mer en toi dans son principe,
la chose en toi qui fut de mer,
t'a fait ce goût de femme heureuse
et qu'on approche...Et ton visage
est renversé, ta bouche est fruit à
consommer, à fond de barque, dans la nuit.
Libre mon souffle sur ta gorge, et la montée,
de toutes parts, des nappes du désir,
comme aux marées de lune proche, lorsque
la terre femelle s'ouvre à la mer salace et
souple, ornée de bulles, jusqu'en ses mares,
ses maremmes, et la mer haute dans l'herbage
fait son bruit de noria, la nuit est pleine
d'éclosions...

Saint-John Perse
Strophe II

"Et ce sont là figurations.
Mais toi l'homme, au front droit, couché dans la réalité du songe, tu bois à même la bouche ronde, et sais son revêtement punique : chair de grenade et coeur d'oponce, figue d'Afrique et fruit d'Asie... Fruits de la femme, ô mon amour, sont plus fruits de mer
: de moi non peinte ni parée, reçois les arrhes de l'Eté de mer..."
Saint-John Perse

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