Je me souviens d'une plage fraîche au bord de la rivière, et d'une
nuit de mai gonflée de pluie retenue au loin par des nuages ; je me
souviens des étincelles de lune qui défilaient sur l'eau, et de toute
l'humidité désagréable qui suintait lourdement de la verdure... Alors
il s'est mis à courir sur le sable, et j'ai couru derrière lui, avec
mes longs cheveux mouillés qui me revenaient librement sur le visage.
Je sentais des pôles magnétiques irrésistibles en nous, et ces vagues
de sang qui battaient fort, si fort, qui me rugissaient aux oreilles,
d'une pulsation plus lente, rythmique. |
Il s'est arrêté, et moi derrière lui, mes bras
autour de sa cage thoracique puissante, mes
doigts qui le caressaient. Faire l'amour
avec lui. Tout oublier, et brûler dans
les délices de cet embrasement bestial.
D'abord enlacés debout, nos cuisses
qui se pressent, ce frisson bouche contre bouche, |
poitrine contre poitrine, jambes emmêlées,
puis complétement allongées sur le sol,
avec le bonheur du poids lourd des corps
l'un sur l'autre, qui se cambrent et ondulent,
aveugles, qui grandissent ensemble, deux forces
qui s'affrontent : est-ce pour tuer ? |
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Pour rentrer dans l'obscurité brûlante
de l'oubli ? Perdre son identité ?
Ce n'est pas de l'amour, ça, pas vraiment.
Plutôt autre chose. Comme une hédonisme
raffiné . |
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Hédonisme en raison de cette approche aveugle des bouches,
des doigts, des langues, en quête d'une satisfaction physique.
Raffiné à cause de ce désir de stimuler l'autre en retour,
de ne pas être préoccupé de soi seul, bien que cela reste
l'essentiel. Facile de mettre fin aux disputes
par un baiser chaud, des langues qui vibrent, lèchent,
goûtent ; et aux critiques acerbes, à la colère haineuse
qui s'exprime par la voix, les ongles, les dents, il est facile
de substituer l'étrange tempo musical des mains qui montent sous
les seins, caressent la gorge, épaules, genoux, cuisses. Et de
s'abandonner au noir tourbillon corrosif d'une inévitable
destruction mutuelle... Car ne s'agit-il pas de destruction ? |