L'étreinte de Picasso

Lèvre à lèvre la nuit l'aurore
Haut sur ma cuisse un baiser chante
Mes éléments me font vivante
Mon corps n'est pas une prison

Au fond du gouffre je rayonne
Au fond du verger je suis mûre
Au fond de la mer je suis nue
Nue comme nulle et toute en rien


Lèvre à lèvre la nuit l'aurore
je dis ce que je suis mon sexe
Comme un sourire après les larmes
Soleil humain entre deux ombres

Comme une rose de faiblesse
Dans le flot noir de tout mon sang
Pôle inutile honneur sauvé
Honneur est le fils du plaisir

Passée au feu la fleur fragile 
Ne change pas plus que ma bouche
Elle est l'objet des heures creuses
La cruche pleine de désir


Je peins en or le sacrifice
J'orne la honte d'impudeur
Je suis le vitrail où la cendre
Fait bégayer ligne et couleur

Paul Eluard


Sommaire: