SIAO-SIAO-CHENG

(1520-1593)

Kin p'ing Meï

ou

la Merveilleuse Histoire de Hsi Men
avec ses six femmes

La mère Wang se tourna vers la jeune femme en lui souriant aimablement.
Je vais à la rue de l'Est, près de Yamen : on y trouve d'excellent petit vin. J'en aurai pour un moment. Ayez la gentillesse de tenir compagnie à ce seigneur...

 
Poitrine contre poitrine, comme deux canards-mandarins amoureux,
Qui s'ébattent dans l'eau,
Tête contre tête, comme un couple tendre de phénix
Qui construit avec zèle son nid de brindilles,
Elle presse ses lèvres vermeilles sur la joue de l'amant ;
Il tient entre ses mains vigoureuses la tête penchée de l'amante,
Dont les jambes gaînées de soie cherchent appui sur les épaules de l'ami
En dévoilant ainsi les deux arcs d'une faucille de nouvelle lune
Les agrafes d'or se défont sur sa tête,
Et sa chevelure s'épand sur les coussins,
Comme un nuage sombre.
Il profère des serments profonds comme la mer,
Puissants comme les montagnes ;
Et ses caresses mille fois variées
Dispersent les dernières craintes
Comme le vent disperse les nuages.
Assaillie de tendresse impétueuse,
Elle pousse un cri de bonheur, semblable au cri du bruant ;
Sa bouche s'emplit de suave salive
Et, luxurieuse, elle darde sa langue sous le plaisir
 
Magritte
 
Dans chaque artère, dans chaque veine
De son corps souple, élancé,
Elle sent rouler lourdement
Un sombre flot de volupté.
Mais le souffle de ses lèvres vermeilles
Halète et va s'affaiblissant.
Sur ses yeux descend la nuit,
Sa peau se mouille de perles fines,
Scintillantes.
Sa gorge lisse palpite
Comme les vagues de la mer.
Ah les voilà consommées
Toutes les délices de l'amour volé :
Deux amants ont parfait leur étreinte.

Le nuage avait crevé. Ils étaient tous deux en train d'arranger leurs vêtements lorsque la mère Wiang fit soudain irruption dans la chambre.
-Eh bien, voilà du joli ! Elle ajouta pour Lotus d'Or qui se tenait bien penaude :-Je vous avais priée de venir faire de la couture, et non l'amour....

(extrait)
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