L'amour-poème

Je rêve, je vous vois : deux gazelles paissant.
Sur des lieux écartés, les prairies de h'awdhân.
Je rêve, je nous vois au désert : deux colombes
Volant vers notre nid à l'heure où la nuit tombe.
Deux poissons dans les flots : je rêve et crois nous voir
Lorsque la grande mer nous berce avec le soir.
Je rêve, je nous vois : ma vie, ta vie, ensemble !
Je vois, je rêve, et la mort même nous rassemble
Sur le lit du tombeau, côte à côte couchés.
Retraite loin du monde, ô tombe bien cachée !
Nous y verrons, ressuscités, la vie nouvelle.
L'univers réuni, la rencontre éternelle.

Majnûn Laylaâ

P.Ciranna

Contre-jour

Les oiseaux apparaissent
S'allume une flamme
Et c'est la femme

Sans nom ni liens, ni voile,
Errant les yeux clos,
La femme couverte de la fraîcheur de la mer.

Mais brusquement les oiseaux réapparaissent
Et s'allonge cette flamme
Plus qu'entr'aperçue au fond de la chambre.

Et c'est la mer,
La mer aux bras endormants portant le soleil,
Ni orient ni nord, ni obstacle ni barre, la mer.

Rien que la mer ténébreuse et douce
Tombée des étoiles, témoins des mutilations du ciel,
Solitude, pressentiments, chuchotis.

Rien que la mer.
Les yeux éteints,
Sans vague ni vent ni voile.

Brusquement les oiseaux réapparaissent,
Et c'est la femme.
Ni étoile ni rêve, ni geyser ni roue, la femme.

Les oiseaux reviennent,
Et rien que la mer.


Mohammed DIB
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