Salammbô de Gustave Flaubert

Picasso
Il était à genoux devant elle ; et il lui entourait la taille de ses deux bras, la tête en arrière, les mains errantes ; les disques d'or suspendus à ses oreilles luisaient sur son cou bronzé ; de grosses larmes roulaient dans ses yeux pareils à des globes d'argent ; il soupîrait d'une façon caressante, et murmurait de vagues paroles, plus légères qu'un brise et suaves comme un baiser. Salammbô était envahie par une mollesse où elle perdait toute conscience d'elle-même. Quelque chose à la fois d'intime et de supérieur, un ordre des Dieux la forçait à s'y abandonner ; des nuages la soulevaient, et, en défaillant, elle se renversa sur le lit dans les poils du lion. Mâtho lui sait les talons, la chaînette d'or éclata, et les deux bouts, en s'envolant, frappèrent la toile comme deux vipères rebondissantes. Le zaïmph tomba, l'enveloppait ; elle aperçut la figure de Mâtho se courbant sur sa poitrine.
-"Moloch, tu me brûles !" et les baisers du soldat, plus dévorateurs que des flammes, la parcouraient ; elle était comme enlevée par un ouragan, prise dans la force du soleil. Il baisa tous les doigts de ses mains, ses bras, ses pieds, et d'un bout à l'autre les longues tresses de ses cheveux.

Le Dieu des corps de Jules Romain.

Les vêtements glissaient toujours, du même mouvement que mes baisers. Est-ce moi que gagnait un peu de hâte, ou ne faisais-je qu'obéir à Lucienne ? Sa nudité s'étendit plus vite, comme un feu de broussailles où se met le vent. J'arrivai aux abords de sa chair la plus féminine. J'en sentais déjà le parfum rayonner à travers des touffes plus flatteuses qu'une bourre de soie ; ce parfum qui m'est devenu depuis aussi reconnaissable et ami que sa voix même, mais qu'alors je respirais pour la première fois avec un tremblement.
Lucienne me pressa le visage de la main, comme pour lui demander d'avoir la force de s'écarter. Je cèdai. D'une longue caresse qui lui traversa tout le corps, qui passa dans l'intervalle des seins, j'allai retrouver ses lèvres.
Pendant que je prolongeais ce baiser, elle acheva de rejeter ses vêtements. Je quittais ses lèvres pour la contempler nue. Je ne pouvais être surpris de l'extrême beauté de son corps.

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