Le baiser

L'amour
Me fit prendre un baiser sur votre belle bouche,
Mais, las ! ce fut plutôt le baiser qui me prit.
Car il brûle mes os, et va de veine en veine
Portant le feu vengeur qui va me consumant.
Jamais rien ne m'a fait endurer tant de peine
Ni causé dans mon coeur tant de contentement

Mon âme sur ma lèvre qui lors toute entière
Pour savourer le miel qui sur la vôtre était.
Mais en me retirant elle resta derrière,
Tant de ce doux plaisir l'amorce l'arrêtait.


E. Hébert,.. Inde,.. Man Ray

S'égarant de ma bouche, elle entra dans la vôtre,
Ivre de ce nectar qui charmait ma raison ;
Et sans doute elle prit une porte pour l'autre,
Et ne lui souvint plus quelle était sa maison.

Mais vous, de ses désirs, unique et belle reine,
Où cette âme se plaît comme en son paradis ;
Faites qu'elle retourne, et que je la reprenne
Sur ces mêmes oeillets, où lors je la perdis.

Mais non : puisque ce Dieu dont l'amorce m'enflamme,
Veut bien que vous l'ayez, ne me la rendez point.
Mais souffrez que mon corps se rejoigne à mon âme,
Et ne séparez pas ce que nature a joint?

Vincent Voiture

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