Le Conte du Graal

...Il arrive à la tente ; il la trouve ouverte. Il voit dedans un lit recouvert d'une riche courtepointe de soie ; sur le lit était couchée une demoiselle qui dormait. Elle était seule ; ses pucelles étaient allées au loin cueillir des fleurettes nouvelles pour en joncher le sol de la tente comme elles en avaient l'habitude. Quand le valet entra sous la tente, son cheval buta si fort que la demoiselle l'ouït ; elle s'éveilla et tressaillit. Et notre valet, le bon innocent, dit :
"Pucelle, je vous salue, comme ma mère me l'apprit. Elle m'enseigna que je saluasse les pucelles partout où je les rencontrerais."
La pucelle tremble de peur devant le valet qui lui semble fou, et elle-même se tient pour folle accomplie de s'être ainsi laissé surprendre toute seule.
"Valet, dit-elle, passe ton chemin ; fuis, que mon ami ne te voie.
-Non pas sans vous prendre un baiser, par mon chef ; et tant pis pour qui s'en fâchera. C'est ma mère qui me l'a enseigné.
Et, je ne t'embrasserai pas, si je peux y échapper. Fuis, que mon ami ne te trouve, ou tu es un homme mort."

suite


Doisneau