Qu'as-tu fait, ah ! qu'as-tu fait, ma Julie ? tu voulais me récompenser et tu m'as perdu. Je suis ivre, ou plutôt insensé. Mes sens sont altérés, toutes mes facultés sont troublées par ce baiser mortel. Tu voulais soulager mes maux ? Cruelle, tu les aigris. C'est du poison que j'ai cueilli sur tes lèvres ; il fermente, il embrase mon sang, il me tue, et ta pitié me fait mourir.
Ô souvenir immortel de cet instant d'illusion, de délire et d'enchantement, jamais, jamais tu ne t'effaceras de mon âme, et tant que les charmes de Julie y seront gravés, tant que ce coeur agité me fournira des sentiments et des soupirs, tu seras le supplice et le bonheur de ma vie ! Hélas ! je jouissais d'une apparente tranquilité; ....Je reçois ton billet, je vole chez ta cousine; Nous nous rendons à Clarens, je t'aperçois, et mon sein palpite;... On parcourt le jardin,... nous fuyons tous trois dans le bois... En approchant du bosquet j'aperçus,.. , vos signes d'intelligence, vos sourires mutuels, et le coloris de tes joues prendre un nouvel éclat. En y entrant, je vis avec surprise ta cousine s'approcher de moi et d'un air plaisamment suppliant me demander un baiser. Sans rien comprendre à ce mystère j'embrassai cette charmante amie, et toute aimable, toute piquante qu'elle est, je ne connus jamais mieux, que les sensations ne sont rien que ce que le coeur les fait être. Saint-Preux survivra-t-il à cet embrasement ?
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Mais que devins-je un moment après, quand je sentis... la main tremble... un doux frémissement... ta bouche de roses... la bouche de Julie... se poser, se presser sur la mienne, et mon corps serré dans tes bras? Non, le feu du ciel n'est pas plus vif ni plus prompt que celui qui vint à l'instant m'embraser.
Toutes les parties de moi-même se rassemblèrent sous ce toucher délicieux. Le feu s'exhalaient avec nos soupirs de nos lèvres brûlantes, et mon coeur se mourait sous le poids de la volupté... quand tout à coup je te vis pâlir, fermer tes beaux yeux, t'appuyer sur ta cousine, et tomber en défaillance.
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